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Page de Gloire et de Sang
Texte écrit par mon père Lucien Chatin qui était FFI ,  
brigadier au camp de Schirmeck après la guerre  et passeur pendant cette même guerre.
Chantal Chatin Nouvelle Calédonie
Retrouvez tous les détails de cette tragédie sur l'excellent site de Michel Sercan
Georges GAENTZLER
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Vers la mi-juillet 1944 on apprenait sous la main et avec stupeur à Wisches que GAENTZLER Georges, un enfant du village, âgé de 31 ans,( fils de Auguste et Joséphine MOSSER ), marié à  Marie PRÉCHEUR née à RUSS (67  , était mort. Il était employé au début de la guerre comme cheminot en Moselle. Lors de l’occupation, n’ayant rien voulu signer pour les Allemands, il fut expulsé en France non occupée par les agents de BURKEL. Il se fixa avec sa femme à ST Pierre de Clairac, petit bourg près d’Agen où  dès lors il fut employé  à la gare. Résistant, il était membre du groupe local CORPS FRANC POMMIES du village. Fusillé avec huit autres personnes à la sortie du village. N’a pas eu d’enfant. Tout ce qu’on a pu savoir à ce moment-là sur sa mort, c’est qu’une carte envoyée de France apprenait à sa sœur Augusta, mariée à Wisches au cordonnier Marchal Etienne, qu’il avait été fusillé le 7 juin.
 
Les détails, on ne les appris qu’après la libération. Gaentzler était inscrit au groupe de résistance local. Les Allemands ayant eu vent de ce centre de résistance, y envoyèrent 50 hommes commandés par des Waffen SS. Le malheur voulut que , par une négligence coupable du chef de la résistance locale, les Allemands trouvèrent une liste  des dits membres sur laquelle étaient aussi inscrits les armes et engins de guerre que chacun possédait.
Les Allemands passaient  déjà dans d’autres villages des environs où ils mettaient tout à feu et à sang, à moitié ivres. Ils cernèrent le village et prirent tous les membres  présents de la Résistance. Après avoir brûlé leurs  habitations, les chiens torturèrent les 11 membres de la résistance qui leur étaient tombés dans les mains. Finalement ils les firent courir devant eux  vers la sortie du village et ils les fusillèrent dans le dos avec leurs armes automatiques. Le surlendemain ces 11 malheureux furent enterrés comme les traîtres, sans fleurs ni couronnes, pas même une croix ne fut autorisée.
 
Lorsque sonna pour nous l’heure de la délivrance, le 25 novembre dernier, plusieurs familles de Wisches attendaient avec une joie mêlée d’appréhension, le retour d’un ou plusieurs membres de leurs famille partis en 1940 ou après, pour ne pas servir l’ennemi abhorré. Il y en avait près de 50  dans ce cas.
 
Wisches est fier de penser que plus de trente parmi ceux-ci ont bien servi la cause  de la libération, soit en s’engageant dans l’armée dès 1941 ou après, ou en combattant dans les rangs des FFI ( maquisards) : témoin les 4 suivants, morts en héros au maquis de la Haute-Saône.
 
GONCKEL ERNEST, âgé de 37 ans, marié, 2 enfants dont la mère avait déjà goûté 18 mois de camp de concentration en 1915- 1916 à Holzminden.
 
CHATIN JOSEPH, beau-frère du précédent, 36 ans marié et père de 2 enfants.
 
Tous deux ayant été désignés pour aller travailler aux fortifications de Riga, n’hésitèrent pas à abandonner leurs familles pour se soustraire à cette obligation. Gonckel a même dit au chef de l’Arbeitsamt à Schirmeck : «  Il y aura 2 mètres de neige à Riga avant que moi je n’y travaille. » Et Chatin à son vieux père, en lui disant au revoir dans cette nuit à 3 heures du matin : «  Je m’en vais et si je peux m’engager pour aider à libérer notre pays, je le ferai. »
Ils nous quittèrent dans cette nuit de juillet 1942 et passèrent la frontière.
 
COLIN HENRI, 24 ans , mobilisé en 1940, a combattu au moment de la Débâcle . Libéré et revenu de France non occupée en automne 1940, il resta tout juste 6 semaines à la maison et repassa la frontière afin dit-il «  de ne pas être embrigadé par ces Boches. »
TROTZIER JOSEPH, 22 ans cousin de Chatin,quitta  un des premiers, comme jeune de 18 ans, l’Alsace ; fin février  1941, dès les premiers essais des Allemands de mobiliser les jeunes Alsaciens. Pris par les Allemands à Dôle, il ne dut son salut, après plusieurs interrogatoires serrés, comme savait le faire la Gestapo, que , parce qu’il était déjà muni de faux papiers en règle.. Il fit néanmoins, à ce moment-là 2 mois de camp de concentration. Relâché, il rejoignit Courchaton dans la Haute -Saône où GONCKEL Joseph, le frère aîné  d’ Ernest exploitait une carrière et où était déjà COLIN. Les 2 autres vinrent les rejoindre plus tard. Là ils travaillèrent sous de faux noms, soit à la carrière, soit chez des cultivateurs des environs. De temps en temps ils réussirent à envoyer quelques mots à leurs familles ou en recevaient, au prix de certains risques , car la Gestapo était toujours derrière eux. Marguerite, épouse de GONCKEL fit pour ce motif quelques semaines de camp en avril 1943.
 
Ces familles, disons - le en passant, furent brimées toute la durée de la guerre, aussi bien par la Gendarmerie que par nos Messieurs Alsaciens du Parti.
 

Vint le moment de l’invasion. Depuis longtemps déjà ; nos amis, sous l’impulsion de GONCKEL Ernest, connu chez nous pour un résistant farouche, étaient inscrits au groupe de résistance Camille. Le moment d’entrer dans le maquis Chérimont  près de Lure vint pour eux  au mois de juillet. Raconter ici tous les faits de ce groupe  de 150 hommes serait trop long. Le groupe avait rempli toutes ses missions et ce avec seulement 1 mort et avait 14 prisonniers tous officiers , quand sonna l’heure du destin. Car , hélas, ils se trouvaient dans un endroit où l’armée allemande , refluant du midi, se regroupait dans le Jura et la Haute – Loire. Le 16 septembre le sergent CHATIN , en embuscade avec un groupe de 10 hommes , parmi lesquels COLIN, réussit  à abattre  les occupants d’une auto qui étaient  un général de division et son Etat – Major. COLIN blessé  à la cuisse et pris le 17, fut laissé sans soin par les barbares avec sa blessure, qui soignée n’était pas mortelle. Ayant appris qu’il avait participé au coup de main  contre le général, les Allemands lui demandèrent s’il regrettait  son acte. Il répondit non. Les sauvages le laissèrent agoniser  pendant 2 jours sans soin, avec une sentinelle  à ses côtés pour empêcher que personne ne le soigne.Dans le délire et vers sa fin, il demandait  à boire. La sentinelle  lui répondait que  par des coups de crosse. Il fut enterré près de  Lure . Les Allemands voulaient en finir  et profitant  de la trahison d’un jeune maquisard, cernèrent le maquis de Chérimont avec plus de 2000 hommes. Beaucoup  de maquisards tombèrent  ce 18 septembre et à 8h du matin un groupe d’une vingtaine d’hommes, dont le sous-lieutenant GONCKEL et CHATIN  furent faits prisonniers.
 
De suite brimades, torture et interrogatoires . Dans la discussion GONCKEL s’était laissé à parler allemand, il fut mis de côté , ainsi qu’un jeune enfant de troupe de 17 ans . Celui-ci,  épargné fut emmené au camp de Buchenwald . Revenus ces jours-ci, c’est de lui que nous tenons tous les détails de ces faits. Après avoir torturé, ces barbares , les collèrent au mur dans l’après-midi.. Dans un moment de faiblesse, l’un deux s’étant mis à pleurer, CHATIN l’encourageait  en disant : «  sois plus que ça , et ne montre pas  à ces barbares   ce que cela nous fait. » Les Allemands tirèrent sur eux plusieurs rafales. Plusieurs  vivaient encore. CHATIN blessé  et à genoux  criait : «  Je suis Français , vive la France . » Ils furent achevés à coups de crosse  et atrocement défigurés. Les corps furent laissé 8 jours sur place avec défense d’y toucher. Ces braves  dorment de  leur dernier sommeil au cimetière de COURCHATON .
Le restant du groupe  fut anéanti ou fait prisonnier, dans la soirée du même jour . Parmi ces derniers, il  y  avait TROTZIER . On avait espoir de le revoir ainsi que GONCKEL  car trace de leurs  passages  avait été trouvée à Belfort.
 
Mais hélas, le destin en avait décidé autrement , car reconnus  comme partisans par les prisonniers  qu’ils avaient pris. Ils furent  torturés plusieurs jours et surtout GONCKEL  en qui les Allemands soupçonnaient un chef. Finalement ils furent mis à mort le 26 septembre à 17h. Leurs corps furent trouvés dans un charnier , les 20 corps , fin mars à OFFMONT un hameau près de BELFORT. Reconnu l’un par son dentier et l’autre par son alliance  qu’il avait encore au doigt. La cérémonie d’enterrement  eut lieu à LURE le 7 avril  dernier en présence d’un général, d’un préfet et de plusieurs hautes personnalités. Leur inhumation  eut lieu à COURCHATON  le mardi 10  à côté de leur camarade et parent CHATIN.
Ils reposent, ces 5 héros , loin de leur village natal  qu’ils avaient tant espéré revoir  et pour la délivrance duquel, ils ont donné leur vie. ***
 
Inclinons nous devant les familles éprouvées, de ces victimes des barbares.
Et nous les bons Français du temps de l’occupation serrons les rangs, méditons devant ces martyrs de la libération et demandons et mettons tout en œuvre pour que, non par vengeance mais justice se fasse, pas de veuleries, plus de manque de courage civique. Poursuivons les dénonciateurs, les  collaborateurs  de cette horrible guerre.
 
ROBESPIERRE
 

texte écrit par mon père Lucien Chatin qui était FFI ,  
brigadier au camp de Schirmeck après la guerre  et passeur pendant cette même guerre.
Chantal Chatin Nouvelle Calédonie
 
*** Note du webmestre
"Leurs corps furent rapatriés après la guerre et enterrés avec les honneurs militaires dans les tombes familiales de leur village natal: Wisches"