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Le cimetière militaire "des Chênes" vers 1925
 
M. Maurice Ohrel, né à Still le 10.12.1848 habitant de Wisches, fusillé par les Allemands le 25 août 1914, victime innocente de la barbarie allemande. Alsaciens, souvenez- vous!
Les Proscrits d’Alsace
Pendant ce temps, nous étions plus de quarante personnes dans la cave de la maison familiale (14. grand’rue à l’époque
— actuellement n° 10). Par le soupirail, on pouvait voir les pieds de ceux qui passaient le long du trottoir, ils nous renseignaient si c’étaient des bottes allemandes ou des brodequins français — s’ils montaient ou descendaient la vallée. Des Bavarois sont ensuite entrés dans le village. Ils tiraient dans les volets si on les maintenait fermés. Ils étaient venus, les uns par la route, dautres par la «Côte». pensant que le village n’était pas défendu. Nous craignions qu ils nous fassent payer cher notre réception aux Français — qui se vérifiera par la suite (avec M. Ohrel. fusillé le 25 août
1914).
Donc, l’Armée française se replie sur les hauteurs en prenant la route de Schwartzbach, traverse la Bruche et monte, groupée, vers une sapinière (appartenant aux Frémiot) au-dessus de la carrière de Schwartzbach (Heidemati). Ils se dirigent vers Muckenhach, puis Grendelbruch où il y aura aussi une bataille. D’autres soldats se déploient en tirailleurs vers Russ (se couchant souvent jusqu’à la lisière des bois) puis repartent franchement en avant. Nous avons suivi les mouvements avec les jumelles de Jean (évadé dès la déclaration de guerre pour ne pas servir chez les Allemands). Nous étions dans la chambre de Marcel — 2e étage de la maison —. soulagés d’être enfin sortis de la cave.
Le 25 août, un détachement est venu chercher notre voisin immédiat: M. Maurice Ohrel (né à Still en 1848) le faisait monter dans la charrette du boucher et le conduisait, sous escorte, à la dernière maison de Netzenbach (chemin du «Pelson.). Il fut fusillé, refusant stoïquement qu’on lui bande les yeux, et inhumé sur place. Le malheureux avait, soit-disant, donné des renseignements aux Français. Etait-ce pour donner l’exemple? Ou se venger de l’accueil chaleureux réservé aux troupes françaises? Préalablement. un soldat est venu réquisitionner chez ma marraine une «longe» (corde) et nous ne savions pas qu’elle allait servir à enserrer les poignets du prisonnier: par la suite, nous en avons eu le coeur serré... Il y a une plaque commémorative «des Proscrits d’Alsace» près du Monument Aux Morts de Wisches.
Extraits du «Journal de Guerre» de Maurice Fray, neveu de Mme Alphonse Frémiot
(décédé le 20.10.1999)
***
Photo Christian Ganier
François-Ferdinand. archiduc d’Autriche, ayant été assassiné le 28juin 1914 à Sarajevo, tout le monde a senti que la guerre devenait inévitable..,
Après bien des hésitations, mes parents ont décidé que l’on ne changerait pas l’habitude de m’envoyer en vacances (nous habitions Saint-Mihiel) chez ma marraine, tante Louise, soeur de ma mère) à Wisches — petit village charmant au pied du Donon — annexé depuis 1870, mais qui, auparavant, faisait partie du Département des Vosges.
Voici comment j’ai pu assister aux événements qui se sont déroulés à Wisches et dans la vallée depuis juillet 1914.
La guerre est donc déclarée le 4 août. Les Français franchissent les frontières de l’Est — les Allemands envahissent la Belgique (neutre) et veulent marcher sur Paris,
Fin juillet (deuxième quinzaine) des soldats allemands sont venus à Wisches et ont fait des signaux optiques entre deux postes. installés à la «Côte» (territoire de Wisches Netzenbach) et la tour du Guirbaden. Il y avait aussi de l’infanterie et de l’Artillerie hippomobile des «77» (il n’y en avait pas d’autres) qui remontaient la vallée par une chaleur étouffante, en marche forcée. L’ordre était donné à tous les habitants de la Grand’rue de disposer des récipients avec de l’eau propre que les troupes prenaient sans s’arrêter et sans bousculades. Les chevaux du village avaient tous été réquisitionnés.
Le dernier train Rothau-Strashourg est «redescendu» la vallée avec, accrochés en queue, quatre à cinq wagons à marchandises garnis de paille. De grands blessés y étaient étendus — les moins graves étaient installés dans les wagons-voyageurs. Deux médecins militaires allemands et deux infirmières de la Croix Rouge circulaient le long du train arrêté en gare de Wisches.
Nous avions bien entendu le canon — deux ou trois jours avant le 15 août. Mais c’est seulement après que nous avons appris qu’un bataillon de Chasseurs à pied s’était heurté aux Allemands à Plaine, et qu’il avait réussi à prendre un drapeau allemand (du 132e RI) qui fut remis aux Invalides à Paris le 18 août 1914.
Encore un autre souvenir de ce même jour: un «zeppelin» a survolé le village à faible altitude pour remonter la vallée. Nous ne l’avons jamais revu. et pour cause... Nous avons appris officiellement qu’il avait été contraint à un atterrissage forcé au Col de la Chapelotte, et l’équipage fait prisonnier. Fait prisonnier par une compagnie qui avait été formée avec les quelques survivants des batailles de Wisches et du Donon. commandée par le seul Lieutenant rescapé de ces cruels combats!
 
Pendant la «bataille des Chênes» où les Français s’étaient repliés en combattant courageusement. il y avait eu beaucoup de blessés. Ils furent réunis dans l’école des filles, l’école des garçons. à l’église (débarrassée de ses bancs) et dans la salle de bal (restaurant Au Donon  propriétaire M. Schnelzauer). Ces lieux étaient devenus des hôpitaux d’urgence. après qu’on y eu transporté de la paille, en vitesse.
Le lendemain de la bataille et le jours suivants, les hommes valides du village et des villages environnants furent rassemblés. Comme j’étais grand pour mon âge — 14 ans — et qu’on n’était pas difficile sur la qualité (!), j’ai été réquisitionné avec eux. Munis, qui d’une pelle, qui d’une pioche, on nous a conduits à la lisière de la forêt (les «Chênes», les "Parcours", le "Devant des Bois») où la bataille avait été vive. Nous avons fait les fossoyeurs, enterrant parfois jusqu’à vingt corps allemands d’un côté, français de l’autre. D’autres fois, nous ne pouvions ne mettre qu’une ou deux personnes. le trou n’étant pas profond, car on trouvait le rocher à fleur de terre. Une partie de l’Etat-major était couchée sur une ligne de 300 mètres — ils ont été enterrés tous ensemble en même temps que le Colonel Aubry.
Le nombre de victimes était impressionnant et plus de cinq cents corps ont été inhumés.
Par la suite, exhumés et rassemblés, tous furent réunis au
cimetière actuel des «chênes», sur demande expresse de la
commune de Wisches. Cette nécropole a été inaugurée le 22
août 1920.
Pendant de longues années, beaucoup de familles ont demandé le rapatriement des dépouilles de leurs proches. Chaque année, le dimanche le plus proche de la date de la bataille (1 août), une messe est célébrée sur ces lieux sacrés, par n’importe quel temps, devant une foule nombreuse et recueillie. Une quête est faite (du moins de suite après les années de guerre au profit du «Souvenir Français») dans un casque de soldat (celui de Jean à l’époque).
Photos coll. M.O Allart Frémiot
Lorsque nous n’étions pas surveillés, avant l’inhumation des victimes, nous avons trouvé beaucoup de livrets militaires, jetés sur ordre, je suppose. J’ai réussi à en ramasser trois que j’ai dissimulés et ramenés chez marraine. A l’intérieur, parmi les papiers officiels. il y avait des photos de femmes et d’enfants ainsi qu’une mèche de cheveux attachée par un ruban.
En décembre 1914, je retourne à Paris chez ma tante Maria Adam. conduit par un ami de la famille (M. Mougeot). Saint-Mihiel étant sur le Front.., J’avais enfoui dans mes bagages les trois livrets et je les ai envoyés à l’adresse indiquée à l’intérieur. Lorsque le champ de bataille fut ratissé, d’autres livrets furent recueillis et jetés dans l’école de garçons.
[En août 1986, plusieurs livrets ont été découverts dans le grenier du presbytère lors de rangements.
Après quelques jours seulement où Wisches a vu et vécu la Grande Guerre», le calme est revenu, mais le village a dû attendre 1918 pour redevenir français.
Maurice FRAY
(Notes recueillies et adaptées par Mme Marie-Odile Allart Frémiot)
 
Texte intégral  in l' ESSOR 150 de mars 1991
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Samedi 15 août. nous étions à la grand’messe quand la porte s’ouvre brutalement, et sous le regard de son curé (l’abbé Baffray, grand patriote) la paroisse apprend que «les Français sont lâ». Un homme en effet s’est écrié en patois vosgien: «les v’lo» (les voilà). Aussitôt c’est la bousculade, et à qui sortira le premier: hommes, femmes. «Enfants de Marie», enfants de choeur, le «Suisse», en culotte à la française. En sortant de l’église, nous voyons alors une patrouille de quatre chasseurs à cheval et un brigadier qui s’avancent lentement et se dirigent vers la Poste (maison Mélot, grand’rue), détruisent le téléphone et le télégramme. repartent à la Gare où ils accomplissent le même travail en ayant dû forcer la porte. (Par la suite, nous, les gamins, nous nous amusions au chef de gare: distribution de billets, fonctionnement des signaux et barrières, jeux dangereux dont je garde un très bon souvenir).
Des patrouilles circulaient, tantôt françaises, tantôt allemandes. Une patrouille française a traversé le passage à niveau et s’est dirigée vers Muhlbach-Lutzelhouse. Nous avons entendu des coups de feu. En revenant, elle nous a dit avoir rencontré un «uhlan» et ramenait son cheval.., mais de prisonnier: point! Où était donc passé le cavalier?
Avant l’arrivée de l’Infanterie française (109e R.l. de Chaumont) des éclaireurs des deux armées traversent le village depuis Netzenhach jusqu’au «Haut-Bout». Un certain matin, deux allemands arrivent avec précaution et rencontrent une patrouille française près de l’église. Ils tirent et blessent une femme (éclats par la fenêtre), près de la grande fontaine à l’auberge Schaller (actuellement «auberge de la Poste» à côté de la salle des fêtes. [Parente de Monsieur François Guery).
 
Par la suite, le 109e  est venu occuper le village. accueilli avec un enthousiasme indescriptible. On distribue du «kirsch», du «quetsche», des chaussures, des vêtements. Les villageois auraient vidé leurs maisons. Ils étaient tellement heureux et attendaient les Français depuis si longtemps!
 
Hélas... les Allemands ont contre-attaqué et les soldats français ont dû se replier sur les hauteurs. Mais ils ont résisté toute la journée et la «vraie bataille des Chênes» a commencé.
Note du webmestre... *Les Uhlans, ce seul mot engendre la peur.
 
…..Eclaireurs lancés à la découverte, les Uhlans étaient des patrouilleurs d’élite dont les missions étaient aussi dangereuses qu’innombrables. Chevauchant jusqu’à 30 ou 40 kms devant le gros des troupes, il leur appartient d’occuper symboliquement les maisons communales, de dynamiter les postes téléphoniques et télégraphiques, de préparer l’occupation des localités importantes et surtout de renseigner leur Quartier Général sur les mouvements des troupes qu’ils trouvent devant eux. Ce ne sont en général pas des ravageurs ivres comme va en amener l’infanterie. (…)Leurs officiers appartiennent tous à la noblesse et sont prêts à donner leur vie « au service de Sa Majesté ».  D’une suprême élégance, monoclés et sanglés dans un splendide uniforme, ils se montrent souvent d’une suffisance grotesque.(…)
(André Balériaux. Août 14 : de Sarajevo à Charleroi.)