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Les faits constatés.
Cet énorme bloc de grès vosgien a vaguement la forme d'un parallélépipède rectangle de 6 mètres de longueur, 2,5 mètres de largeur et 2,5 mètres de hauteur. Un bloc plus petit, disposé à cet effet contre l'un de ses flancs, sert de marchepied et permet d'accéder plus facilement sur le plateau de cette table naturelle. Son grand axe est orienté nord-sud et sa masse, compte tenu de la densité du grès, peut être estimée à environ 96.000 kilogrammes ou 96 tonnes.
L'analyse d'un échantillon de matière rocheuse prélevée par un habitant de Wisches et effectuée par l'un des services du Centre National de la Recherche Scientifique de Strasbourg a mis en évidence une faible radioactivité naturelle moins de 40 becquerels par kg et comparable à celle des autres pierres naturelles comme le granit par exemple - et une radioactivité artificielle à l'état de traces insignifiantes dues aux événements de Tchernobyl (URSS) en mai 19861).
Ce qui surprend le plus le promeneur, mises à part les dimensions de ce mégalithe, c'est le fait qu'il soit isolé, solitaire. Des fissures dues à l'érosion soulignent la disposition des différentes strates ou couches de sable cimenté qui le composent. Ceci prouve que la roche ne se trouve pas à sa place originelle et qu'elle a subi un renversement. C'est le résultat d'un éboulement intervenu il y a très longtemps, probablement lors de la dernière période glaciaire, à la suite de la fragmentation du front de la côte gréseuse par le gel. Ce phénomène naturel est bien connu des géologues qui parlent de gélifraction ou de cryoclastie.
 
Les interprétations.
Au vu de ses dimensions, de sa situation, de son isolement, il n'est pas à proprement parler étonnant que la Roche Solaire ait stimulé l'imagination populaire quant à son pouvoir surnaturel.
Un de nos informateurs nous a signalé que son grand-père, artisan de profession et guérisseur à l'occasion, se rendait régulièrement sur les lieux afin de «se ressourcer», de refaire le plein de «flux bénéfique». Sa spécialité était la guérison du «mal au foie». D'après notre interlocuteur, de nombreux autres «sorciers» fréquentaient cette «source bénéfique».
Dans le même ordre d'idées, un ouvrage paru en 1983 et recensant les lieux magiques et sacrés d'Alsace et des Vosges parle de la Roche Solaire en ces termes: C'est en mesurant la puissance des rayonnements de cette pierre avec le géodimètre que le mystère s'épaissit . ... La roche, par sa fonction de table de culte ou d'autel a capté les fluides spirituels lors de cultes, comme les églises et chapelles s'imprègnent de la foi et des prières des fidèles.
L'imprégnation positive et bénéfique de cette roche suit les mêmes lois que le principe du phénomène des «pierres magiques» que possèdent certaines personnes et qui leur ouvrent les portes de la chance, du succès et de la réussite. Ces «pierres magiques» ont été «imbibées» d'éléments positifs, physiques et psychiques. Elles agissent selon la loi psychologique de la suggestion, ce qui est indéniable, mais essentiellement par le positivisme qu'elles véhiculent.2)
Nous arrêtons là cet échantillon de charabia pseudo scientifique qui s'étale sur trois pages imprimées et qui ne convainc que les âmes prêtes à les accepter sans s'interroger sur leur sérieux.
 
L'appellation.
L'énigme grandit si l'on essaie de trouver l'origine et le sens de l'appellation de notre rocher. Deux versions nous ont été fournies à ce jour.
La première veut qu'autrefois ce monument naturel fût doté d'un système indiquant l'heure aux passants, à l'instar d'un cadran solaire. II est vrai que le chemin qui passe à proximité était bien plus fréquenté autrefois que de nos jours, car il était utilisé par toutes les personnes qui se rendaient en Lorraine par le Col entre les Deux Donons, ou qui en revenaient. D'ailleurs un lieu-dit situé à quelques kilomètres plus au nord du site qui nous intéresse se nomme Fontaine des Carpes. En effet, c'est là que les voyageurs, de retour de la région des étangs lorrains qui venaient d'être vidés, revigoraient les poissons vivants qu'ils rapportaient en Alsace.
La seconde, bien moins poétique, mais plus vraisemblable, veut que le qualificatif «solaire» soit plus prosaïquement la déformation de l'adjectif «solitaire».
Le dépouillement du cadastre et de toutes les cartes anciennes disponibles nous apprend qu'en fait nous avons affaire à une dénomination récente, qui n'apparaît pour la première fois sur des documents de l'Institut Géographique National qu'après la Seconde Guerre Mondiale.
 
Nos convictions.
De multiples arrêts sur les lieux, des conversations répétées avec des spécialistes concernés par le problème et le résultat des analyses scientifiques nous ont amené à nous forger trois convictions:
- la Roche Solaire n'est ni magique, ni bénéfique, ni surnaturelle, et ne présente aucun élément mystérieux ou inexplicable;
- sa dénomination a peu de chances d'être en rapport avec le soleil, car son emplacement est quasiment toujours à l'ombre;
- l'intérêt qu'on lui porte et le rôle surnaturel qu'on lui attribue sont d'origine plutôt récente.
Le phénomène de la sacralisation d'un élément naturel qui sort de l'ordinaire auquel nous assistons dans ce cas précis n'est pas nouveau. Ne lit-on pas dans l'Ancien Testament déjà : Ne va pas lever les yeux vers le ciel, regarder le soleil, la lune et les étoiles... et te laisser entraîner à te prosterner devant eux et à les servir? 3)
Le plus étonnant, dans toute cette histoire, est certainement que ce phénomène perdure, en Alsace, et à l'aube du XXI° siècle.
Claude JÉRÔME
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L'Essor, revue des Anciens du Cours Complémentaire de Schirmeck, n° 152  (septembre 1991)
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1) Résultat aimablement communiqués par Madame E. SISTEL que nous remercions
2) G. ALTENBACH et B. LEGRAIS, Lieux magiques et sacrés d'Alsace et des Voges, (Les hauts lieux vibratoires de la santé), 1983.
3) Deutéronome, chapitre IV, verset 15
La «Roche solaire» de Wisches
Sur le flanc Est du Kohlberg, à 577 mètres d'altitude,
en pleine forêt communale de Wisches loin de toute
habitation, mais à quelques mètres seulement d'un
carrefour de chemins carrossables, la Roche Solaire a
de quoi intriguer le passant.
Texte intégral de M. Claude JEROME in l' ESSOR 150 de mars 1991
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La Roche Solaire
par
Claude JEROME
1991