Affiche "invitant" les Alsaciens à parler "comme le bec leur à pousser"
Affiche « invitant » les Alsaciens à parler « comme le bec leur a poussé… »
Page d‘un livre de lecture utilisé sous l‘occupation. À l‘école, la seule langue autorisée est l‘allemand. La propagande nazie s‘infiltre même dans les livres de classe. L‘écriture utilisée est celle de la méthode Sütterlin.
Page d‘un livre de lecture utilisé sous l‘occupation. À l‘école, la seule langue autorisée est l‘allemand. La propagande nazie s‘infiltre même dans les livres de classe. L‘écriture utilisée est celle de la méthode Sütterlin.
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La Germanisation des Patronymes
Juillot
         Juler
Autres exemples de "germanisation"...
Un billet de banque peu connu: Il s'agit d'un billet de 50 marks daté du 15 juin 1939. L'intégration de l'Alsace était bien prévue!
 
André : Andres              
Bierry : Biry                          
Banzet : Bansept              
Bastien : Bastion              
Bailly : inchangé              
Babo : inchangé              
Brice : Briss                          
Bonnetier : Brix              
Bronique : Bronick              
Brignon : Brigner              
Belcour : Schönhof              
Boulanger : Becker              
Bouillon : Bujung              
Charlier : Scharler              
Clauvelin : Klauwling  
Charpentier : Scharpenter  
Casner : Gassner              
Collin : Kolling              
Charton : Schartner              
Cholet : Scholler              
Chipon : Kipper              
Claudon : Clodung              
Clévenot : Clevemuth  
Durand : Duhrand              
Dieudonné : Deodat              
François : Franz              
Fitte : Fitter                          
Ferry : inchangé              
Fond : Fund                          
Genlot : Genold              
Ganier : Ganner  
Gagnière : Gagner              
Hougnon : Hugner                          
Jacquet : Jäckel
Juillot : Juler
Jérôme : Gerum
Janel : Jahner
Kriequer : Krieger                          
Kroubert : Krubert
Petitjean : Kleinhans
Lallemand : Lallmann
Lalvée : Lauer
Laurain : Laurer
Latuner : Latner
Malaisé : Maleisen
Marchal : Marschal
Mangin : Mansching
Marlier : Marler
Masson : Massung
Morel : Mohrel
Oulmann : Uhlmann
Oury : Ury
Paquet : Paket
Parisot : inchangé
Ponton : Ponter
Poré : Porer
Rochel : Roeckel
Salmon : Salmann
Silet : Siler
Verlet : Werlert
Vilmer : Wimer
Violet : Wilbert
Zurmely : Zürmel.
Voici une liste de noms « germanisés »:
Pour le Reich et les nazis, l’Alsace est un pays germanique que des décennies d’occupation française ont souillé et avachi. Il s’agit de faite remonter le fonds germanique des Alsaciens – Lorrains, et de les débarrasser du « Welscher Plunder » (« bric à brac français »). Wagner a carte blanche de Hitler pour transformer le Alsaciens en bons allemands nazis. Aussi pleuvent sur le pays décrets et mesures de toutes sortes :
Le 16 août 1940 un décret interdit de parler français. Les populations « welsches » des vallées vosgiennes ont 5 ans pour apprendre et parler l’allemand. En attendant, elles sont munies d’une carte spéciale les autorisant provisoirement à parler patois entre eux…
Les noms des villes et villages sont germanisés, de même que ceux des rues ou avenues :Wisches devient Wisch, Obernai devient Ober-Ehnheim ; Masevaux, Marmünster ; Lièpvre, Leberau ; Sainte Marie aux Mines, Markirch… La Place Broglie de Strasbourg devient « Adolf Hitler Platz » ; la Place Kléber « Karl Roos Platz » ; la rue du Sauvage à Mulhouse aurait du se nommer « Adolf Hitler Straße », mais devant les rires Mulhousiens, l’occupant choisit un autre nom…
Tout ce qui est « français » dans les lieux publics disparaît : ainsi en est-il des statues de Jeanne d’Arc ou des statues de français célèbres : Kléber, Kellermann, Desaix, Rapp, Bruat… Les monuments commémoratifs des batailles de 1793 ou de 14-18 sont démolis (Wissembourg, HWK , Lingekopf…) Les cartes postales portant une légende françaises sont interdites à l’expédition ; l’anneau nuptial devra être porté à la main droite et non plus à la gauche, conformément à l’usage allemand…
 
Le 23 novembre 1940 un décret interdit le port de certains prénoms et fait obligation à la germanisation des noms : Roger devient Rudiger ; Jean devient Hans ; Guillaume, Wilhelm ; Claire, Klara… Les Didierjean deviennent Diderhans, les Lagarde, Wachmann ; les Dupont Brückner… Ceci jusque sur les pierres tombales…
 
En août 1940, la presse est mise au pas : les 14 journaux régionaux sont réduits à 4 quotidiens, tous sous contrôle du Parti Nazi : le « Straßburger Neueste Nachrichten », organe du NSDAP dans le Bas Rhin, le « Elsässer Kurier » à Colmar, le « Mülhauser Tagblatt » et le « Mülhauser Volksblatt » à Mulhouse. L’abonnement à un journal d’opinion nationale-socialiste est rendu obligatoire.
 
Le 1 octobre 1940, à la rentrée des classes, il n’y a plus aucune école confessionnelle ni aucune école privée en Alsace. Il y a des Volksschulen, des Mittelschulen et des Oberschulen. Innovation : les « Hauptschulen », écoles primaires supérieures à enseignement professionnel. Les enseignants alsaciens enseignent en allemand et ont été formés à se familiariser avec le système éducatif national-socialiste. Ils sont encadrés par des enseignants allemands. A la tête de l’Université est placé un recteur allemand. Les enseignants peuvent être mutés dans tout le Reich.
 
Le dialecte alsacien est interdit, car il est interprété comme une langue protestataire. De même sont interdites les manifestations et fêtes typiquement alsaciennes comme les kilbes, « messti » ou fêtes folkloriques, car elles sont l’expression d’une identité culturelle spécifique. Par contre les loisirs sont germanisés, et toutes les manifestation allemandes grandement fêtées, au premier rang desquelles le 20 avril, anniversaire du Führer.
 
Le port du béret est strictement interdit, car il obscurcit le cerveau et abêtit les gens (« Gehirnverdunkelungskappe »)…
Affiche largement diffusée à travers l'Alsace signifiant en gros "Dehors les Français et leur culture!"
Ganier
           Ganner
Les noms des habitants de la Vallée pendant l'occupation
 
S'il est un problème qui a préoccupé certains habitants de la Vallée pendant l'occupation allemande, c'est bien celui- là. « Les Allemands, me disait mon oncle Dubois, exigent que je change mon nom en Vonholz ou à la rigueur en Dubos. Ce qu'ils veulent c'est que le nom français puisse facilement être prononcé par une gorge germanique. Doivent donc disparaître les «oi» les «on» qui deviendront parfois «ung» ou «ong» les «in» qui feront « ing», etc.... »
Si vous le voulez bien, nous allons passer en revue un certain nombre de noms de famille de la Vallée ; nous en donnerons la traduction fixée par l'occupant et nous profiterons de l'occasion pour expliquer la signification des noms français. En général, les noms de personnes sont des noms de métiers ou des surnoms. Que personne ne s'offusque s'il trouve pour la première fois la signification de son nom avec un sens différent de celui qu'il aurait espéré. Nos ancêtres étaient malicieux et ils ne se souciaient pas de donner les sobriquets les plus caractéristiques de la personne en question.
Un des moyens les plus faciles comme nous l'avons vu plus haut est Ia traduction pure et simple du mot français en allemand. Dubois donnerait Vonholz, Paquet : Paket, Belcour : Schoenhof, Petitjean : Kleinhans, Boulanger : Becker, François : Franz.
Tous les noms ne laissent pas aussi facilement percer leur signification. D'autres ne pouvaient pas se traduire textuellement. Bouillon, par exemple, a une signification difficile à expliquer. Ce n'est évidemment pas le potage, mais peut-être le dérivé de boue, à savoir : celui qui habite près d'un marais! Comment traduire cela en allemand? Rien de plus facile.
On garde le mot, qu'on affuble d'une finale plus ou moins germanique, ici ung. Dieudonné, traduit, donnerait un mot trop long. Il est donc bien plus facile de prendre le vocable latin : Deodat.
Lallemand qui signifie pour un Vosgien, la personne qui vient d'Alsace et qui parle l'alsacien, aurait pu se traduire par Deutsch. (Pensez à Deutsch de Ia Meurthe). Pour garder un nom à peu près semblable, on transforma la finale mand en mann. D'où le sens de ce nouveau nom : homme qui zézaye.
Laurain probablement le Lorrain, devint un Laurer.
En conclusion de ce petit paragraphe nous constaterons que peu de noms ont été effectivement traduits. Pour plusieurs raisons. Mais voyons la suite de notre inventaire.
Les mots de ce premier groupe auraient pu éventuellement être traduits si «on» avait voulu. Dans la liste qui suit nous n'avons plus affaire à des noms de métiers ou de nationalités, mais à des prénoms devenus noms de famille.
André, en latin Andreas comme en grec, (sens de viril) donna Andres, forme bâtarde, mais qui ressemble au prénom breton Andrès.
Bastien, (Sébastien, du latin Sébastianus qui dérive lui aussi du grec - au sens de Honoré - devint Bastian, forme du Midi.
Jacquel qui veut dire en lorrain le petit Jacques, - ce dernier venant de Jacobus -Dieu supplante - se présenta sous la forme presque semblable Jaeckel.
Jérôme s'écrivit Gérum. On sait que Gérome existe l'ouest de la France. Il vient de Hiéronymus qui a le sens de: nom sacré.
Janel diminutif de Jean donna Jahner, tout simplement.
Masson n'est pas nécessairement le nom du maçon, mais peut aussi être le diminutif de Thomasson (Thomas = jumeau). Pendant l'occupation la finale on devint ung.
Collin ou Colin, diminutif de Nicolas, s'écrivit avec un grand K et prit un g bien entendu.
Claudon : Clodung [n.l.r]
Mangin fut germanisé en Mansching. Or, Mangin est de la même famille que Demange et même Dimanche ! Demange forme lorraine et populaire de Dominique, signifie celui qui est béni du Seigneur.
Ce deuxième groupe de noms ne contenait que des prénoms devenus noms de famille au cours des âges.
Voici maintenant un nombre respectable de mots qui ne facilitèrent pas le travail de l'occupant.
Quelle fut à votre avis la traduction proposée pour Parisot? Les Allemands ne voulaient tout de même pas admettre que notre concitoyen était originaire de Paris! Or ce nom resta intact, car il est facile à prononcer et difficile à changer. Parisot avec sa finale en ot est un mot de l'Est. C'est le diminutif de Patricius.
Marchal qui vient de maréchal (ferrand) donna Marschal.
Malaisé (Maleisen en allemand - eisen étant sans doute la traduction de aisé!) veut dire en Auvergne : peu aimable ou mal conformé.
Violet est certainement le nom de celui qui s'habillait de drap violet. Comment faire pour traduire ce nom. Ce ne fut pas long. V donna W, o disparut, et la finale et se transforma en un bert bien germanique, au total Wilbert - celui qui a une volonté dure (en langue franque).
Fond qui est un creux de terrain se transforma en trouvaille (Fund).
Ponton, surnom de marinier est devenu Ponter. Le er fait plus germanique, (de même que er dans boulanger, boucher ou berger!)
Poré est probablement le surnom de celui qui vend des poireaux, en allemand il devint Porer. À vous d'en expliquer le sens!
Continuons, si vous le voulez bien, nos investigations.
Bailly ne fut pas, lui non plus, changé en Vogt, il resta. Disons que tous les Bailly de France ne furent pas des baillis, c'était surtout un surnom, de même qu'il y a d'innombrables Comte et Lecomte, Duc et Leduc. (Voir les détails dans Dauzat : dictionnaire étymologique des noms de famille et prénoms de France).
Babo lui aussi ne subit aucun changement, car il était facile à prononcer même pour une gorge germanique. Babo vient, ou de la forme familière de Babylos, patriarche d'Antioche béatifié au Ille siècle, ou alors c'est un nom de la famille d'Isabelle, Isabeau ou, enfin, un sobriquet pour désigner la grimace, la moue, baboe en ancien français. Mais dans ce dernier cas, il devrait avoir un z final. (Dauzat).
Bronique devint Bronick. Origine inconnue.
Brignon : Brigner.
Scharler est tout simplement Charlier, qui signifie charron en ancien français. C'est la contraction de charrelier.
Schartner : Charton qui vient de charreton, nom du charretier.
Avez-vous deviné ce que signifie Scholer? Simplement Cholet, mot de la famille de chou. C'est un diminutif désignant le marchand ou producteur de choux.
Clévenot si j'en crois Dauzat, est le dérivé de l'ancien français clavain: «pélerine garnie de lames de fer qui faisait partie de l'armure». Ici ce serait le surnom de celui qui porte cette pélerine. L'allemand traduisit par Clevemuth.
Durand (Duhrand en allemand, deux syllabes qui se prononcent facilement) est peut-être notre mot (en)-durant, obstiné.
Fitte devenu Fitter par la gràce de l'occupant désigne dans le Sud-Ouest de la France un nom de lieu et plus spécialement une pierre fichée (une borne), donc un domaine qui a été borné (Dauzat). Si cette explication convient pour notre région, nous ne pouvons le confirmer.
Ferry resta inchangé. Certains comtes de Salm portèrent ce nom. C'est le diminutif de Frédéric : nom franc qui signifie puissance et paix.
Génot devint Genold qui est un nom d'origine germanique contenant les mots gens = race et wulf = loup.
Gagnière (traduit en allemand par Gagner) de la famille de gagner au sens de cultiver. On gagne sa vie à cultiver la terre.
Ganier se transforma en Ganner
Hougnion en allemand Hugner se rattache-t-il à la famille de Houille, nom qui nous vient de Belgique ? Mystère.
Juillot en allemand Juler de la famille de Juillet est à l'origine le nom d'un enfant baptisé en juillet!
Marlier (devenu Marler, nom inventé de toutes pièces, comme ceux qui précèdent) vient de marillier, ancienne forme de marguillier, sacristain, chantre.
Morel resta ce qu'il était, à un h près pour allonger la première syllabe. Morel signifie brun de peau comme un Maure.
Oury qui se simplifia en Ury, nom qu'on retrouve dans l'Est, est un ancien nom de baptême d'origine germanique, Othalric, se composant de othal = patrie et de ric = puissant : le puissant de la patrie.
Salmon (devenu Salman) est l'abrégé de Salomon.
Silet (germanisé en Siler) est probablement le mot populaire ou une altération de cillet, petit cil (Dauzat).
Verlet devint Werlert. Ver, de la même famille que vair du latin varius. varié, moucheté, désigna autrefois une peau tachetée.
Nous verrons dans les prochains numéros de l'« Essor » que ce mot est resté dans le patois « vari » qui désigne un boeuf à la robe tachetée.
Casner donna Gassner presque Gasser : celui qui habite sur la rue. Ce nom et quelques autres qui suivent sont d'origine germanique. Pendant l'occupation on rajouta ou retrancha la ou les lettres qui déformaient le mot allemand. Ainsi Krieguer perdit son u. Krieger est le nom du guerrier ou le surnom d'un homme batailleur.
Oulmann devint Uhlmann, ce qui fut une erreur de traduction, le vrai nom étant Ullmann : l'homme de la patrie chez les francs.
Pour conclure provisoirement ce chapitre des noms de personnes pendant la guerre, nous dirons que l'occupant n'a traduit que quelques rares noms qui ne pouvaient pas être « déromanisés ». Ils furent de ce fait plus ou moins germanisés (pensez à Durand pardon Duhrand !, n'importe quel Allemand pouvait articuler ces vocables). Cependant pour obtenir cette « déromanisation » l'Allemand n'appliqua aucune règle et bien souvent il ne se soucia pas du vrai mot allemand existant. S'il avait eu à sa portée le dictionnaire du Français Dauzat, son travail eût été considérablement simplifié.
J.R.
 
Texte intégral  in l' ESSOR 44 avril 1957 et 46 décembre 1957
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