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Témoignage de Monsieur, Alfred Wahl
La résistance prépare la libération.
 
Réunion au sommet à Grendelbruch.
Au nez et à la barbe des allemands, à proximité du camp du Struthof, les chefs de la résistance alsacienne se réunissent clandestinement en juin et juillet 1944 à Grendelbruch. Il s'agissait de préparer les actions d' accompagnement de la libération militaire de l' Alsace.
 Depuis 1944, Gilbert Grandval (planète) exerçait les fonction de délégué militaire pour la région C, qui englobait huit départements de l' est de la France.
C' est à lui que Marcel Kibler (Marceau), ancien ingénieur à Saint-Amarin et déjà acteur important de la Résistance, s' adresse pour lui proposer la constitution d' un Groupe mobile
D' Alsace (GMA) sur le versant ouest des Vosges afin de préparer la libération de l' Alsace. Parmi les premiers organisateurs devaient figurer Jean Eschbach (capitaine Rivière). Marceau rejoignit alors Rivière dans le secteur de Raon-l'Etape. C ‘est là que fut envisagée une rencontre entre les principaux responsables de la résistance alsacienne se trouvant en France occupée et ceux habitant en Alsace et en Lorraine annexées.
C'est Paul Freiss (capitaine Jean-Paul), garagiste à Hangenbieten et muni de ce fait d' un permis de circuler en France, qui fut chargé de la préparation de cette rencontre lors d' une entrevue à Paris en présence de Planète, Marceau et Rivière. La rencontre avait pour but de débattre de deux questions : préparer une opération de libération du camp du Struthof avec l' appui des maquis des Vosges et le parachutage de soldats canadiens sur le plateau surplombant Hersbach, entre Wiches et Schirmeck, et structurer le commandement de la Résistance an Alsace et en Moselle.
Dès mon retour à Strasbourg, je pris contact avec René Stouvenel de Wisches et nous organisâmes un moyen de passage à pied à travers la forêt. Monsieur Stouvenel contacte Michel Ferry de la Broque, Marcel Petitjean, Louis Boulas, Alphonse Barret, Oscar Koeniger, André Vincent, Louis Simon, Emile Receveur, tous de la vallée. J' envoie un message chiffré au commandant Marceau qui trouvait à ce moment à Laneuveville pour l' informer que tout était prêt pour son passage et celui de capitane Rivière. La date du 14 juin avait été retenue.
 
Pour assurer la réussite de cette première réunion, il était nécessaire d' avoir un abri pas trop éloigné de la frontière et qui garantît une sécurité totale par un accès facile pour les camarades qui devaient être convoqués côté Alsace et Lorraine. Un vieux ménage, Monsieur et Madame Grosskost, retraités de la SNCF et ami de Georges Kiefer a mis à notre disposition son chalet entre Grendelbruch et Schwartzbach. Evidement cet endroit était moins favorable à tout point de vue car il fallait traverser toute la vallée de la Bruche, et puis le chalet se trouvait à cinquante mètres de la route. Enfin, c'était mieux que rien ; Bref , le14 juin, le passage s' effectua sans heurt, mais il s' avéra difficile.
MARCEAU et RIVIERE ont prit la route à la tombée de la nuit, guidés par la chaîne de passeurs alertés par Paul Freiss et par rené Stouvenel, garagiste à Wisches :
D' un pas toujours égal, la colonne des huit hommes remonte l' autre versant de la vallée de Granfontaine ; Il s' agit maintenant de franchir le large contrefort du Donon qui sépare Wisches dans la vallée de la Bruche de Granfontaine, entre le petit Donon et le sanatorium de Schirmeck…
De temps en temps, une éclaircie permet d' apercevoir dans le lointain l' autre versant de la vallée de la Bruche et maintenant juste en face d' eux, haut dans la montagne, un rectangle de lumière qui semble encadre un vaste quadrilatère.
- Qu'est-ce ? demandent à la fois Marceau et Rivière.
- ce que vous voyez là, c'est le fameux camp de mort du Struthof…
 
Un vaste tournant de la montagne cache enfin, et définitivement, les lumières du camp du Struthof. Puis le sentier s' abaisse en longs méandres vers la Wassertanne, immense sapin ainsi dénommé parce qu' une source vive sort du sapin même à un mètre du sol.
C'est ici que Stouvenel et un de ses hommes doivent venir les rejoindre à deux heures du matin pour prendre Marceau et Rivière en charge pour la dernière étape. Les bûcherons de Grandfontaine retourneront d' ici vers leur village. En attendant l' arrivée de Stouvenel, les hommes se désaltèrent et cassent la croûte.
Vers 3 heures du matin, il n' est toujours par arrivé. Il faut prendre une décision ; Les passeurs doivent avoir rejoint leur village à l' aube, pour éviter que leur absence ne soit remarquées. On décide donc de se quitter. Seul Marcel Petitjean, le chef des passeurs, restera avec les deux officiers et les conduira jusqu' à Wisches. Cinq minutes plus tard, chaque groupe s' est mis en route. Encore vingt minutes de marche et la plateau dénudé qui domine la commune de Hersbach est atteint . C' est la cote 600, prévue pour un parachutage ultérieur quand la frontière aura été franchie de force. Un peu en contrebas, vers Wisches, il y a le grand cimetière français de 1914-1918.
Voilà qu' apparaissent les premières maisons de Wisches, dans la petite vallée latérale qui monte à la cote 600. René Stouvenel habitant tout à fait à l' autre bout du village à l' entrée venant de Schirmeck, les trois hommes quittent la route et contournent Wisches par le haut, à travers les vignes et les bois d' acacias. Puis en face du garage, Ils descendent prudemment la pente et s' accroupissent pour observer.
Aucun mouvement sur la route. Le chef passeur se détache, il va aller en reconnaissance et voir ce qui se passe chez les Stouvenel.
Cinq minutes après il est de retour.
 
Tout va bien, René nous attend. Il s' était trompé de date et croyait que c' était pour demain.
En un clin d' œil, les derniers mètres de la côte sont dévalés, la route franchie et ils pénètrent dans le garage de René Stouvenel, chef de secteur de la Résistance de la vallée de la Bruche, but de leur longue et fatigante traversé.
C'est avec une émotion contenue mais profonde que les hommes se serrent la main. Ils ne se connaissaient auparavant que de nom…
Madame Stouvenel, la charmante femme du garagiste, leurs a bientôt servi un petit déjeuner succulent : du pain véritablement blanc, un splendide saucisson d'Alsace, un morceau de rôti et le tout arrosé par un « traminer » frais et pétillant. Finalement un excellent café, suivi d'une mirabelle maison.
Mardeau, Rivière et leur guide, affamés par la longue marche qu'ils viennent de fournir, font grand honneur au repas. Voilà en effet près de huit heures qu'il marchent pour ainsi dire sans interruption.
 
Pendant qu'ils mangent, René Stouvenel leur donne des explications :
-Jean Paul et Jérôme vont arriver ce matin, soit par train, soit par voiture. Vous ne resrerez pas ici, c'est trop exposé. Dans quelques heures je vous conduirai, avec un camion SS que j'ai en réparation au garage, vers une petite maison isolée près de Grendelbruch. […]
Une auto s'arrête, devant le garage Stouvenel à Wisches. Ce sont Jean-Paul et Jérôme qui arrivent tôt de Strasbourg, impatient de savoir si tout s'est bien passé et si les chefs sont arrivés. […]
Jusqu'à ce jour, sauf Jean-Paul qui connaissait tout le monde, personne ne savait qui étaient ceux qui commandaient la résistance alsacienne. Les chefs à leur tour ne connaissaient leurs hommes que par leur pseudonyme et ne les avaient jamais vus. Le système de la cloison étanche avait été poussé jusqu'aux plus extrêmes limites : seule manière d'éviter une casse importante en cas de pépin.
Maintenant cela va changer. De graves événements sont proches.
C'est le moment pour les chefs de se montrer, au moins aux dirigeants départementaux, pour démontrer leur existence réelle, pour inspirer confiance et pour commander d'homme à homme.
 
Jean-Paul presse le départ :
-Allons, en route, on nous attend là-haut.
-Mais notre camion SS,
-Inutile aujourd'hui, je vous monte dans ma voiture.
-Nous n'avons pas encore de cartes d'identité.
-Ça ne fait rien, n'ayez aucune crainte, nous ne serons pas contrôlés en route. Nous en avons d'ailleurs pour un petit quart d'heure seulement.
 
Les hommes s'empilent dans la voiture de Jean-Paul et la voiture file sur Hersbach, quitte la grande route, traverse la Bruche, puis, du village de Russ, monte les lacets qui conduisent à Grendelbruch.
Peu après, Georges Kiefer (François) vint les rejoindre. A la fin de la semaine, ce fut autour du commandant Daniel, chef résistant du Haut-Rhin, d'arriver au chalet, surnommé <<Berchtesgaden>> par Rivière.
 
C'est au cours de cette réunion de plusieurs jours que fut décidée la répartition des responsabilités pour la libération future de l'Alsace.
François fut nommé chef des FFI du Bas-Rhin plutôt que Matter-Freiss se refuse à en indiquer les raisons et Daniel chef des FFI du Haut-Rhin. Le 17 juillet, une nouvelle rencontre eut lieu au même endroit, en présence, cette fois, du lieutenant-colonel Marchal (d'Ornant). Alfred Krieger, un Alsacien vivant à Metz, fut nommé chef des FFI pour la Moselle. Les chefs de la résistance décidèrent de renoncer à l'action militaire prévue contre le Struthof.
 
Cette rencontre clandestine se termina sans incident, mais tout le monde eut chaud : le chalet de Grendelbruch fut en effet investi par la police et la Gestapo, moins d'une heure après le départ de ses occupants…