La Vallée de la Bruche, francophone et plus vosgienne qu’alsacienne, viscéralement opposée à l'Allemand et réfractaire aux idéaux germaniques et nazis, manifeste une vigoureuse opposition aux vainqueurs après juin 1940.
Ceux-ci ne s’y trompent pas: Camps de Schirmeck et du Struthof ne sont pas nés d’un hasard administratif...
Dans ce contexte, les jeunes gens de Wisches-Hersbach, dont beaucoup reviennent dc l’armée vaincue ou de Stalags (camps de prisonniers), ont une attitude tout à fait remarquable. Bien que placés dans des situations très diverses, ils vont pratiquement tous réagir dans le même sens: «maintenir une certaine idée de la France».
Certes, les moins exposés sont ceux qui. partis avec leur administration avant la défaite ou avec l’Ecole Normale d’instituteurs d’Obernai repliée à Solignac (Haute-Vienne) se retrouvent «en France».
Tous refuseront de rentrer en Alsace en dépit des pressions exercées et passeront les années noires de l’occupation comme ils pourront. La plupart reviendront sous l’uniforme de la 1ère Armée, de la Marine Nationale ou de la 2e D.B., comme Edouard Bertoni, Jean Harbourg et l’auteur de ces lignes.
Bien plus menacés sont ceux des classes 1920 à 1923 restés au village qui. pour éviter de terribles représailles, au mépris du droit des gens et des Conventions d’Armistice, sont contraints d’endosser l’uniforme allemand. Beaucoup. partis la rage au cur pour une guerre qui n’est pas la leur, tomberont sur des champs de bataille lointains comme Ernest Grandadam et René Himber. deux noms parmi tous ceux qui couvrent les monuments aux morts et qui évoquent pour moi, des camarades de jeux, des camarades de classe, sur les bancs de l’école.
Quelques uns parviendront à déserter comme Robert Vincent. Charton. Dubois, Kronberger. Gerth... et d’autres. après deux
même trois tentatives, comme Charlot Bertoni, survivant parfois à des aventures rocambolesques comme celles que raconte Germain Rodeghiero *) dans un petit livre de souvenirs qui est un précieux témoignage.
Certains, comme Hubert Himber en reviendront marqués pour le reste de leurs jours par d’horribles blessures. lis font partie
ces «Incorporés de Force», de ces «MALGRÉ-NOUS». dont Alfred Wahl a magistralement retracé le calvaire.**)
Un très grand nombre, une cinquantaine, devant la menace précise qui pèse sur eux, quittent le village, conseillés par René Stouvenel et Mme Ernestine Charlier de Hersbach. dont le rôle comme passeurs est bien connu. ils retrouvent tout naturellement
anciens cheminements de l’Alsace à la Lorraine par les petits cols s’ouvrant dans la montagne. Ils ne partent pas tout à fait à l’aventure, les uns, comme Joseph Brand, vont retrouver de la famille à «l’intérieur», mais la plupart: Paul Schreyeck, Paul Ohrel, Adolphe Claude, Robert Vincent, Charles Petitcolin. André Bastien, Paul Weber, Joseph Guery. les Porré, les trois Zurmely, les Herry. Théophile Thalgott... impossible de les citer tous. se retrouvent dans une charmante petite ville provençale: Valréas en Vaucluse. Ils sont si nombreux que le maire leur attribue une maison. Pourquoi Valréas’? … parce qu’au «Secours National» règnent derrière des fourneaux accueillants M. et Mme Charpentier de Wisches: ravitaillement assuré