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Les "birous" de Wisches février 1939.
De gauche à droite au premier rang: Adolphe Claude et Hubert Nicole (sur les boeufs), Henri Lacave, Lio de Rothau,Michel Schneider,Marcel Mangin et Charlot Bertoni.  
Au deuxième rang: Edouard Dornberger, Roland Poset, Antoine Poré, Lucien Furschmuller, Paul Boxberger, Paul Emmendorfer, Antoine Bader, Joseph Poré.
Manque sur la photo Henri Kester.
Beaucoup de ces jeunes sont cités dans l'article.
Wisches - en réalité Wisches et son annexe Hersbach, comptait 1632 habitants en 1936. Leur patriotisme quelque peu ostentatoire s'explique par le caractère francophone de la commune et la proximité du département des Vosges auquel elle était rattachée jusqu'en 1870.
Wisches est l'une de ces communes d'Alsace frappée d'emblée par la guerre. Le 16 juin 1940, la
Luftwaffe bombarde un train militaire stationnant en gare, faisant vingt quatre morts dont quatorze agents des chemins de fer. L'attaque occasionne aussi trois victimes dans le village même, les membres d'une famille de réfugiés Strasbourgeois.
 
A cette date la commune avait déjà perdu ses trois dernier habitants juifs dont le populaire boucher David « le David » tous partis vers l'ouest. On ne les reverra plus, sauf le boucher David..
Ancien engagé volontaire dans les troupes françaises durant la Grande Guerre (Wisches était alors territoire allemand) JEAN FREMIOT, patron d'une scierie employant une centaine de personnes et maire par intérim, préfère prendre les devants et rejoint la France de « l'intérieur ».
Ce n'est qu'en septembre 1940 que les habitants de Wisches entrevoient pendant peu de temps des quelques soldats allemands. Puis le premier adjoint au maire de l'époque française - voir plus haut -JOSEPH HUCK, accepte d'assurer les fonctions de « Bürgermeister ». Il a conservé le poste jusqu'à la fin de la guerre et, de l'avis général, il a su éviter les compromissions avec l'occupant.
Celui-ci met sous séquestre la scierie Frémiot ainsi que l'importante usine de contreplaqué Ernest Hugues (trois cent cinquante ouvriers). La première est remise à un patron badois,Karl Riehl, et la seconde à l'ancien directeur de l'entreprise, l'Allemand Alfred Haarhaus, soupçonné d'espionnage, en fuite depuis 1938 et revenu dans les bagages de la Wehrmacht.
Wisches, village francophone dans la seconde guerre mondiale par François Guéry
Photo coll. Marie-Odile Alart-Frémiot
François Guéry enfant
 

Témoignage d'Henri Kronberger
 
   Une autre façon de résister... mettre le son et cliquer sur le lien...
 
  > des Wischois frondeurs...
Les Alsaciens ...chez les Frères, c'est en 1943, à quelques kms de Valréas; le 2ème à gauche c'est mon Gd'Père Henri GUY
voir l'article...
 
Anne Marie Guy Brocheny
Joseph Bader
Joseph Bader
Un passeur, Joseph Bader, le « hodé » (berger du village).
 
Début mars 1941, d'autres groupes passent sans encombre la frontière. Ils ont à peine dix sept ou dix huit ans, les CHARLES PETITCOLIN, PAUL OHREL, JOSEPH TROTZIER, PAUL SCHREYECK, JEAN HARBOURG, et beaucoup d'autres… qui partent, guidés par le berger communal: JOSEPH BADER.
 
D'autres "passeurs" wischois se sont illustrés: Lucien Frémiot, Joseph Baret et Ernestine Charlier de Hersbach
 
Ces multiples défections expliquent sans doute l'implantation d'une gendarmerie allemande  à Wisches en juillet 1941. Le contrôle de la population s'intensifie; la germanisation aussi, puisque l'instituteur Paul Feldeisen est envoyé à Reichenau en bade méridionale et remplacé par Willy Friedin auquel les jeunes écoliers francophones, vont faire subir, quatre ans durant, un véritable calvaire en se montrant imperméable à toute initiation à la langue allemande.
Témoignage de Christine BADER la petite fille du "Hodé".
 
Joseph BADER était l'époux d'Eugénie GONCKEL sœur d'Ernest,
Antoine qui est sur la photo avec les bœufs est mon oncle, son frère Henri était mon père,
Mon père a était convoqué le 10/11/1940 à SCHIRMECK ou il lui a été notifie de se présenter
le 25/11/1940 au bureau d'occupation Allemande afin d'être dirigé en Allemagne,
Le 18/11/1940 a 5 heures du matin son père lui fit franchir la frontière au Donon avec Antoine,
Mon père a travaillé à Pusey ( Haute-Saône ) chez Mr MOUILLET, puis chez Mr GUERITOT du
20 mai au 16 juin 1941,
Apprenant qu'il était recherché par les autorités locales il est parti dans l'aprés-midi du 16/06/1941
puis il a passé la frontière à Champagnolles ( Jura ),
Je sais qu'il a toujours été avec son frère Antoine car ils se sont engagés dans le RIMA à Toulon,
Partis en Afrique ils ont participé au débarquement en Provence et à la libération de Marseille....
 
Quatre passeurs de Wisches Hersbach à l'honneur Article des DNA du vendredi 10 juin 1949
Cinquante jeunes de Wisches s'évadent vers la « zone France » par petits groupes.
Le 10 décembre 1940, un ordre d'expulsion frappe 54 personnes dont beaucoup sont d'anciens employés des Établissements Hugues. Faut-il voir la main de Haarhaus ? Ils sont rapidement remplacés par quelques familles allemandes.
A la mi février 1941 les jeunes du canton des classes 17 et 24 sont convoqués à Schirmeck. On leur propose, comme dans toute l'Alsace, un engagement dans les SS, en vain;aucun argument ne porte. Pas un jeune de Wisches ne se trouve parmi les trois convoqués qui finissent par accepter de signer. . Mais l'événement fait réfléchir. L'exode des jeunes débute aussitôt favorisée par la proximité de la nouvelle frontière.
Entre le 27 février et le 25 mars 1941, cinquante jeunes gens traversent la forêt de Wisches, empruntant l'une des deux routes menant soit à Raon-sur-Plaine, soit à Senones par les cols.
Dans la nuit du 18 mars, ils sont dix-huit à partir, dont mon frère JOSEPH GUERY et mon cousin PAUL WEBER. Ils empruntent par petits groupes les chemins forestiers enneigés, dans la nuit et le froid.
Le 27 février les premiers ont réussirent à passer sans incident, mais les traces laissées dans la neige alertent les douaniers qui réussissent à mettre la main sur CHARLES BERTONI et ROBERT VINCENT, au moment où ceux-ci allaient mettre le pied sur le sol français.
Transférés à Strasbourg, rue Kageneck, ils sont ensuite internés au camp de Schirmeck jusqu'en Avril, avant un nouveau transfert, en Saxe cette fois.
Charles Bertoni, prisonnier en Saxe, s'évade.
Le 13 septembre 1941, toujours prisonnier en Saxe, CHARLES BERTONI s'évade en compagnie de deux prisonniers français. Après avoir marché nuitamment, neuf jours durant, il se fait prendre à quelques kilomètres à peine de la frontière alsacienne. Jugé à Heilbronn, il échappe à la peine de mort et écope de six mois de forteresse. Après quoi il se retrouve encore au camp de Schirmeck où Karl Buck le surveille de près, déjouant ainsi une nouvelle tentative d'évasion. BERTONI, jugé irrécupérable, aboutit finalement dans une baraque disciplinaire. Versé au RAD, puis incorporé de force dans la Wehrmacht , le 13 janvier 1943, il part pour le front Est, dans la région de Kiev.
Atteint par le typhus, il a la chance de bénéficier d'une permission de convalescence, le 24 août. Arrivé à Wisches, il profite aussitôt de l'occasion pour gagner la France. On le retrouve bientôt à Valréas dans le Vaucluse.
Pendant ce temps, l'occupant réagit avec vigueur. Constatant sa défection, il transplante ses parents et ses deux frères à Breslau en Silésie. Il est vrai qu'un autre frère de Charles, EDOUARD BERTONI, a rejoint la France pour s'engager dans la 2ème DB avec laquelle il reviendra pour libérer Strasbourg. Mais CHARLES BERTONI a reconnu plus tard qu'il n'aurait jamais déserté s'il avait imaginé la rigueur des représailles qui s'abattait sur les siens.
Les « Malgré Nous »
La Wehrmacht n'enrôle de force que quarante huit jeunes de la commune, ce qui est peu, eu égard à sa population; mais beaucoup avaient pris les devants pour gagner la France. Les jeunes incorporés de force se présentent avec un nom patronymique déjà modifié d'autorité: ainsi Douvier est devenu Daubner, Lacave: Keller,Nicole: Nickel, etc.… Quelques uns ayant oublié de se présenter, d'autres ayant déserté ultérieurement, les transplantations de famille se multiplient. Les femmes sont essentiellement visées, ainsi MARIE GRANDADAM, ANNE-MARIE STEGER, ANNE STEGER, JOSEPHINE HOCHSTAETTER, les familles VINCENT et BERTONI.
Certains, comme HUBERT HIMBER en reviendront marqués pour le reste de leurs jours par d'horribles blessures.
D'autres manières de résister.
La pression s'accentue aussi pour que les habitants entrent dans les organisations nazies; l'auberge de RENE WEBER est fermée parce qu'il refuse d'entrer dans l'Opferring (association de soutien nazie) et parce que son fils a fui dès 1941. Une pancarte fixée sur l'établissement indique: « Geschlossen bis zum Sieg »  (fermé jusqu'à la victoire).
A partir de 1944, les gendarmes comprennent que le vent a tourné. Ainsi Gier, le chef de poste, ferme ostensiblement les yeux, alors qu'il vient de découvrir une trace de RENE STOUVENEL recherché activement et caché chez JOSEPH SCHREYECK. Il s'agissait pourtant d'un gros poisson. Obligé de passer dans la clandestinité après 1944, STOUVENEL, garagiste à Wisches, est en effet chef de secteur de la résistance de la vallée de la Bruche.
Au total, la population s'est montré solidaire de ses résistants, car comment expliquer autrement qu' ERNESTINE CHARLIER, de Hersbach, ait pu assurer seule l'hébergement puis le passage à pied par le Donon, de plus de cent prisonniers français, ou autres personnes recherchées, vers la France.
Comment expliquer que le boulanger du village, ADOLPHE GANIER, ait pu ravitailler en pain blanc passeurs et autres résistants ou héberger dans son grenier quelques déserteurs allemands.
 
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 Que sont devenus les expulsés, les évadés, les réfugiés ?
Le 25 novembre 1944, les chars américains entrèrent dans le village devant une population stupéfaite.
Que sont devenus pendant ce temps, les autres Wischois, ceux qui ont quitté le pays dans les conditions que l'ont sait: expulsés,évadés, réfugiés ?
Ils aboutirent généralement dans le Vaucluse. Partout, il s'agit de trouver à s'insérer. Parmi les divers pôles de regroupement , Valréas fut le plus important. La famille CHARPENTIER expulsée y tenait le restaurant du secours national, tandis que la famille HERRY réussit à obtenir une maison de la ville pour assurer l'accueil de la cinquantaine de jeunes en transit: PAUL SCHREYECK, PAUL OHREL, ADOLPHE CLAUDE, ROBERT VINCENT, CHARLES PETITCOLIN, ANDRE BASTIEN, PAUL WEBER,JOSEPH GUERY,les PORRE,, les trois ZURMELY, les HERRY, THEOPHILE THALGOTT… impossible de les citer tous.
- Cinq uniformes pour gagner une guerre. (in RODY, Germain Barembach juillet 1985, Gyss).
L'odyssée la plus singulière est celle de GERMAIN RODIGHIERO. Évadé en février 1942, il fut repris à Arbois et transféré au camp de Schirmeck; versé dans le RAD (Reicharbeitdienst— Travail Obligatoire en Allemagne) et enfin dans la Wehrmacht. Fait prisonnier sur le front de l'Est après avoir déserté, il fut interné dans le camp de prisonniers de Tambow et fit ensuite partie des mille cinq cents Alsaciens Lorrains libérées par les Russes en juillet 1944. Arrivé à Alger par Téhéran et le Proche Orient, il s'engagea dans les armées alliées. A la fin de la guerre il se trouve en Allemagne, devenu l'homme de cinq uniformes successifs.
- Fusillés par les nazis. (cinq jeunes Wischois , héros du maquis Joseph Poure in l'Essor, 73)
D'autres encore, comme JEAN HARBOURG, JOSEPH CHATIN, JOSEPH TROTZIER, HENRI COLIN et ERNEST GONCKEL, fixés en Haute Saône, rejoignirent le maquis. Après une action d'éclat (une embuscade permit la mise hors de combat d'un général et de son chef d'état major dans leur véhicule), les quatre dernier cités, dénoncés, furent arrêtés, torturés puis fusillés. Un autre Wischois,GEORGES GAENTZLER, connut le même sort à Agen.
Un autre foyer d'accueil se situait du côté de Tarbes où se trouvait la famille CHARTON rejointe par ADOLPHE CLAUDE, ROGER VINCENT et JOSEPH BRAND qui parviennent à gagner la France Libre par l'Espagne.
De mon côté je me trouvais à l'abbaye de Solignac en Haute Vienne, refuge de l'école normale d'instituteurs d'Obernai depuis 1939 en compagnie de joseph Schoeffter, un concitoyen.
Incorporé aux Chantiers de Jeunesse, les circonstances m'ont conduit au maquis de Séverac le Château dans l'Aveyron.
J'ai terminé la guerre comme chef de groupe d'une section du 80 ème régiment d'infanterie.
Durant cette guerre, la commune de Wisches a totalisé cinquante quatre expulsés, cinquante jeunes évadés et seulement quarante huit incorporés de force, une vingtaine de transplantés dans l'Est du Reich et beaucoup plus d'internés temporaires au camp de Schirmeck. Avec trente cinq morts, résistants,combattants des armées alliés et incorporés de force, le bilan est lourd.